samedi 7 mai 2011

"J'ai peur" - Article paru dans Rolling Stone France N°6 - Mars 2003

ARTICLE PARU DANS LE MAGAZINE ROLLING STONE DE MARS 2003 / "HUMEUR" CONCERNANT LE COMMENCEMENT IMMINENT DE LA GUERRE EN IRAK


(Contexte de l'article : mars 2003. Après deux ans passés à décimer la population afghane, le gouvernement Bush s'apprête à entrer en terre irakienne et à y déclarer une guerre qui perdure (le retrait des troupes est une chose que Bush semble avoir du mal à assimiler...) de manière patente (mais que l'on montre plus ou moins selon que Jean-Pierre [Pernaud] ait réalisé un reportage sur la fameuse tourte de blettes de mamie Broissard ou que le sujet nous touche plus directement [la hausse du prix de l'essence, ça forcément, ça nous parle plus qu'une nation disloquée...], après avoir lancé un (faux) ultimatum à Hussein et ses fils (dont ils savaient tous pertinemment qu'il n'aurait aucune portée sur ses derniers... C'était donc là encore une "bonne "excuse -comme l'ont été les attentats du 11 septembre pour se permettre de faire ce qu'ils voulaient faire en Afghanistan...- envers le reste de la population mondiale pour pénétrer le territoire irakien). Nous n'en avions pas encore fini de ces "cieux étoilés" par des bombes en Afghanistan que nous nous apprêtions à devoir observer, en se sentant si impuissants, ceux irakiens que la nation à la bannière étoilée allait à présent occuper de ses missiles...)


"J'ai peur."


Ce matin, orée du jour mâtinée de rosée, est l'un de ceux où, les yeux encore embués de rêves, les pensées ne sont que questions et la peur en nos coeurs est légion ; plus que de se demander de quoi demain sera fait, craignant la primeur d'une ride marquant, plus que mon visage, le passage immuable du temps, ce matin, j'ai peur du jour présent.


Je crains ce monde dont on a bâti les fondations dans la putrescence de nos échecs et l'imbécile vanité par laquelle on s'en targue, encore ; je crains la cessité dont nos coeurs et nos yeux sont affublés, nous tenant imperméables à la nécessité de la tolérance envers la différence ; j'ai peur de ces "moi", "surmoi" et"ça" qui sont en deçà du plus bas des paliers dantesques des Enfers. Ô combien j'ai peur, en cette heure, de cet amalgame pernicieux que beaucoup trop fait en son esprit, ne différenciant pas celui qui a la foi de celui qui tend son arme telle une croix ; j'ai peur de ces âmes (déchues ?) qui ont fait du Croissant le symbole de tous leurs maux et de la bannière étoilée celui d'un ciel plus bleu, plus beau. Je crains cet "à qui de droit" que cette "puissance" déploie, fausse excuse vermineuse, qui s'octroie le droit de décimer un peuple, marquant d'un trait de sang un point précis d'une carte d'atlas, prétextant l'asservissement, se croyant sous l'égide de ce qui ne pourrait être en fait qu'une simple idole d'albâtre flanquée au fin-fond d'un cloître. J'ai peur de ce que les médias génèrent comme inepsies, de ce tube cathodique qui nous a soumis. Plus que tout ce matin, j'ai peur de notre irascibilité envers ce qu'on craint et ce qu'on ne comprend pas.


Et si alors la bêtise, aujourd'hui aux yeux de tous se résume à mes mots (maux), je veux bien être nommée la plus grande des sottes que d'être de ceux qui sonneront le glas ; si mes convictions ne sont que chimères, je me battrai donc contre des moulins à vent, je les préfère à celles dont les ombres sont une sanguinaire bombe à retardement.


Ce matin, terminus de ces cieux illuminés d'étoiles, alors qu'un nouveau jour se dévoile, j'ai peur ; de vous, de moi, de nous. C'en devient viscéral, je ne supporte plus nos vices et nos râles. Ce matin, je nous crains autant que je nous plains.



Loreleï Jade pour Rolling Stone N°6 (Mars 2003).

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